Tunisie: nouveaux affrontements, quatre morts, l'UGTT soutient le mouvement

Quatre personnes au moins ont été tuées et six autres grièvement blessées samedi soir par balles lors de nouveaux affrontements entre manifestants et forces de l'ordre en Tunisie, confrontée à une révolte sans précédent contre le chômage.

A Tunis, lors d'un rassemblement public samedi, la centrale syndicale unique, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), a proclamé son appui aux revendications "légitimes" du mouvement.
Les victimes de samedi ont été tuées lorsque les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur des manifestants dans le centre de Tala, une localité proche de Kasserine, dans le centre-ouest du pays, a indiqué à l'AFP Belgacem Sayhi,
un instituteur syndicaliste.
Durant les affrontements, Marwane Jomni, 2O ans, Ahmed Boulaabi, 30 ans, Mohamed Omri, 17 ans et Nouri Boulaabi, 30 ans, ont été tués et plusieurs autres personnes ont été blessées, selon un bilan provisoire recueilli auprès
de M. Sayhi, et corroboré par deux habitants ayant requis l'anonymat.
Parmi les blessés, six ont été très grièvement atteints et transférés dans un hôpital de Kasserine, chef-lieu de la région, selon les mêmes sources, où des affrontements sanglants ont été également signalés dans la nuit de samedi à
dimanche. Un enfant de 12 ans aurait été tué d'une balle à la tête dans la cité Ennour, a affirmé un témoin ayant requis l'anonymat.
Les autorités sollicitées n'ont ni confirmé ni infirmé ces affrontements, encore moins leur bilan. S'il se confirmait, il porterait à au moins six morts le nombre de tués par balles depuis que Mohamed Bouazizi, 26 ans, s'est immolé
par le feu le 17 décembre à Sidi Bouzid (265 km au sud de Tunis) pour protester contre la saisie de son étal de primeurs.
Il est devenu depuis le symbole d'une révolte contre la précarité sociale et le chômage, notamment celui des jeunes diplômés.
A Tunis, devant quelques centaines de personnes strictement encadrées par des centaines de policiers en civil et des unités anti-émeutes, le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Abid Brigui, a proclamé son appui aux revendications
"légitimes".
"Nous soutenons les revendications de la population de Sidi Bouzid et des régions intérieures", a-t-il déclaré à la foule depuis les locaux de la centrale, sur la place Mohamed Ali.
"Il est contre nature de condamner ce mouvement, il n'est pas normal d'y répondre par des balles", a-t-il lancé sous les applaudissements, appelant plutôt au "dialogue avec les jeunes".
La foule a observé une minute de silence à "la mémoire des martyrs" du mouvement social, entre hymne national et chansons engagées diffusés par hauts-parleurs.
La veille, Tala a été le théâtre d'affrontements violents durant lesquels les manifestants ont saccagé des biens et mis le feu à une banque et à des bâtiments officiels, selon un dirigeant syndical local.
Selon ce témoin joint par téléphone, l'armée s'est déployée samedi pour la première fois depuis le début des troubles, autour des bâtiments officiels.
Vendredi, cinq manifestants et un agent de sécurité ont été blessés lors d'un affrontement violent à Saïda, une localité proche de Sidi Bouzid.
Ce qui devait être une marche pacifique de lycéens, rejoints en cours de route par des habitants du village, a dégénéré en affrontements avec les forces de sécurité, qui ont fait usage de lacrymogènes, puis de leurs armes à feu,
selon des témoins.
De nouvelles tentatives de suicide ont par ailleurs été signalées samedi par des témoins à Kasserine et à Sidi Bouzid, dont celle d'un père de quatre enfants, Moncef Abdouli, 52 ans, qui a tenté de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu près du marché, en plein centre-ville.
A Kasserine, un jeune chômeur, Hilmi Khadraoui, s'est aspergé de pétrole près du lycée, tandis qu'un homme de 35 ans avait tenté de se suicider après une manifestation, selon un journal privé local.
Traditionnel allié de la Tunisie, les Etats-Unis de sont dit "préoccupés" vendredi par les troubles et ont convoqué l'ambassadeur de ce pays à Washington, Mohamed Salah Tekaya, pour demander le respect des libertés
individuelles, notamment en matière d'accès à l'internet.